Le Blasphème de Pasolini
La figure de saint François d’Assise occupe une place intrigante dans l’œuvre de Pasolini, même si elle est souvent moins visible que d’autres influences religieuses. Si Pasolini a exploré le christianisme dans ses films et écrits, l’empreinte du franciscanisme et de saint François reste un sujet mystérieux, souvent sous-exploité. Dans les années 1960, Pasolini avait envisagé de réaliser un film sur François d’Assise, mais ce projet n’a jamais vu le jour. Pourtant, François s’invite discrètement dans son travail, notamment dans Uccellacci e uccellini (1966), où Pasolini présente une vision parodique et poétique du saint, notamment à travers la réécriture du Cantique de frère Soleil.
Mais la présence de François ne se limite pas à cette seule apparition. Dans ses écrits, Pasolini imagine aussi un personnage totalement inédit : Blasphème, un saint « sous-prolétaire » qui revisite le Cantique pour en faire un acte de rébellion. Cette réinvention de François ne cherche pas à le glorifier, mais à en faire un symbole de contestation sociale et politique. François devient alors une sorte de saint révolutionnaire, en rupture avec les traditions chrétiennes classiques.
Dans ses poèmes et romans, Pasolini utilise François comme un symbole pour exprimer des idées radicales. Plutôt que de représenter un modèle de pureté religieuse, il l’utilise comme une figure subversive, un porte-parole d’une sainteté populaire et rebelle. Cette relecture du franciscanisme permet à Pasolini de critiquer les injustices sociales et politiques de son époque. Loin d’être un simple hommage, la figure de saint François chez Pasolini est un vecteur de transformation, un moyen de redonner une voix à ceux qui sont souvent laissés pour compte.
Introduction
« À chacun son François »
I. Le François d’Uccellacci e uccellini, entre symbole et parodie
Un film franciscain
Une « fable idéo-comique »
Une « structure qui veut être une autre structure »
Religion et « Pensée sauvage » dans l’épisode sacrifié
Les Béatitudes de Ninetto : dialecte et religieux
L’évangélisme pasolinien et la rencontre avec Assise
L’homme civilisé et le pape franciscain
L’hommage au Néoréalisme
Le Fioretto pasolinien
Un François plurivoque
II. Les oiseaux et la « nébuleuse de valeurs franciscaines »
Les oiseaux pasoliniens
L’écho persistant de L’usignolo
Humilitas et minoritas
L’hirondelle et les pauvres christs pasoliniens
Marilyn « pauvre petite sœur mineure » et le culte de Sandro Penna
Les sorores et fratres pasoliniens
Un franciscanisme philologique et mystique
L’oiseau whitmanien et l’harmonia mundi brisée
III. La parole franciscaine et les réalismes pasoliniens
Un « amour démesuré de la réalité »
Le rêve giottesque de Ninetto
Le François auerbachien
Le réalisme de la créature et le Cantique revisité
IV. Bestemmia et les « magmas sans amalgame »
L’« étrange chose »
Un saint de « subure »
L’anti-François entre deux papes
Une christologie « barbare »
Conclusion
Entre franciscanisme renversé et évitement du Poverello
Bibliographie
Index des noms de personnes
Index des œuvres